Tensions politiques au Burundi un an après l'investiture de Nkurunziza

BUJUMBURA, 24 août 2006 (AFP) - La situation politique au Burundi reste tendue un an après l'investiture de Pierre Nkurunziza, premier président élu depuis le début de la guerre civile en 1993, l'opposition et la société civile burundaises dénonçant une "dérive autoritaire" du pouvoir.



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"Après une année du pouvoir Nkurunziza, la situation est très préoccupante, la guerre se poursuit dans une partie du pays, les exécutions sommaires de prétendus rebelles se sont multipliées, la torture est devenue monnaie courante, la corruption s'est érigée en mode de gouvernement", dénonce auprès de l'AFP Aloys Rubuka, président de l'Union pour le progrès national (Uprona), principal parti tutsi de ce pays d'Afrique centrale.
A l'issue d'une transition politique entamée en 2001, M. Nkurunziza, un Hutu, a été investi le 26 août 2005 premier président élu du Burundi depuis le début de la guerre entre les rebelles hutus et l'armée.
Son parti, le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), est issu de l'ancienne principale rébellion hutue des Forces pour la défense de la démocratie (FDD).
"L'opposition peut dire ce qu'elle veut (...) nous sommes très satisfait de notre première année de gouvernement", réplique le porte-parole du gouvernement, Karenga Ramadhani.
Un haut responsable du parti au pouvoir, qui reconnaît sous couvert d'anonymat qu'"il y a des problèmes, notamment de gouvernance et de bavures des forces de l'ordre", estime cependant que "l'opposition exagère".
La tension politique est montée d'un cran début août après l'incarcération de plusieurs personnalités politico-militaires - dont l'ex-président Domitien Ndayizeye, également l'un des ténors du parti d'opposition Frodebu - accusés d'avoir préparé un coup d'Etat.
A tel point que M. Nkurunziza a appelé le 17 août les Burundais à garder "leur calme dans ces moments difficiles", se disant convaincu de l'existence "d'un projet de déstabilisation des institutions élues".
Le Burundi a connu plusieurs coups d'Etat ou tentatives depuis son indépendance en 1962.
Le secrétaire général de l'Onu Kofi Annan s'est dit "gravement préoccupé par les événements récents au Burundi, en particulier les rapports faisant état d'un possible coup d'Etat".
Réagissant à l'incarcération de M. Ndayizeye, le Frodebu a dénoncé "une dérive autoritaire et dictatoriale du pouvoir en place de nature à compromettre de façon irrémédiable le processus de paix.
Plusieurs partis politiques, associations de la société civile et des radios privées accusent le pouvoir d'avoir monté cette affaire de coup d'Etat de toutes pièces pour "museler l'opposition".
Human Rights Watch (HRW) et des associations burundaises de droits de l'Homme dénoncent depuis des mois des violations des droits de l'Homme.
La question des Forces nationales de libération (FNL), dernière rébellion active, n'a pas été réglée. Lors de négociations de paix entamées le 29 mai, gouvernement et FNL se sont entendus sur un accord de cessez-le-feu, qui n'a toujours pas été signé.
"La communauté internationale fait toujours confiance au gouvernement du Burundi, mais elle est de plus en plus inquiète", confie un diplomate européen en poste à Bujumbura sous couvert d'anonymat.
Le nouveau pouvoir burundais "est jeune, avec une expérience politico-administrative limitée (...) Il devrait organiser un dialogue politique avec l'opposition", estime un autre diplomate occidental.
Mais le gouvernement ne veut pas en entendre parler.
"Nous n'avons aucune leçon à recevoir en matière de démocratie", s'insurge M. Ramadhani. "Nous avons la légitimité électorale, nous avons notre programme et nous allons l'appliquer", lance-t-il à l'AFP.
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Jeudi 24 Août 2006
AFP/ACAP