Pour ou contre l’uniforme scolaire ?

Bientôt la rentrée scolaire 2006-2007 et beaucoup de questions se posent, parmi lesquelles celle du port d’uniforme dans les établissements secondaires publics.



Les élèves de l'école Sainte Thérèse (ph. Vonou/Acap)
Les élèves de l'école Sainte Thérèse (ph. Vonou/Acap)
Depuis que le lycée Marie Jeanne Caron est devenu un établissement féminin, le port d’uniforme par les élèves s’y est imposé. On compte après lui, le lycée Ben Rachid et le Collège d’Enseignements Techniques Féminin (Cetf). Mais peu à peu, par imitation, la quasi-totalité des établissements secondaires de la capitale tentent d’instaurer définitivement le port d’uniforme. Ainsi, l’année dernière, le paiement des redevances scolaires avait été conditionné, dans certains lycées, par l’achat au préalable de l’uniforme de l’établissement. Toutefois, la situation n’est pas encore rendue officielle et nombreux sont les parents d’élèves qui s’interrogent s’il faut acheter pour leurs enfants les uniformes ou les « tenues civiles ».
Cependant, quel est l’enjeu de cette question?
 
Beaucoup de parents d’élèves interrogés ont donné des points de vue sur cette question ; les uns pour, les autres contre. Selon M. Banga, receveur retraité de l’Office national des postes (ONPE), le port d’uniforme, comme son nom l’indique, est une façon d’uniformiser les élèves provenant de différents ménages et de parents de différentes couches sociales. « Avec l’uniforme, dit-il, on éradiquerait le complexe entre les élèves, ce qui permettrait de réduire le taux de déperdition, surtout chez les filles ».

Pour M. Sombondo, enseignant vacataire âgé de 28 ans, célibataire avec un enfant, l’uniforme permet de différencier l’enseignant de l’enseigné, quand on sait qu’aujourd’hui, il y a concurrence vestimentaire entre les élèves et les enseignants. Il profite de l’occasion pour donner un témoignage personnel : «  Je fais partie des plus jeunes enseignants de mon établissement. Au début de l’année scolaire 2005-2006, année de ma première expérience pédagogique, une surveillante en faction dans le hall du bâtiment où j’enseignais a failli me chasser de la porte de ma classe, pendant que j’attendais quelque peu les retardataires, confondu avec les élèves des classes alentour qui attendaient leur professeur. Or, poursuit-il, si ces élèves étaient en uniforme, elle se serait aperçue que j’étais un enseignant ».

Mais si l’uniforme favorise la parité et l’égalité entre les apprenants, la différence entre l’élève et l’enseignant, pour la plupart des parents, les conditions ne sont pas encore réunies pour qu’elle soit imposée aux élèves.

Monsieur Askin, instituteur âgé de 43 ans en poste Grimari et vacances à Bangui, exprime ses sentiments sur la question : « La situation sociale des Centrafricains ne leur permet pas d’accepter l’instauration de l’uniforme. En tout cas, nous ne sommes pas prêts. Pourquoi ? Simplement parce que la pauvreté domine la société centrafricaine dans toutes ses dimensions. Le salaire, si modeste soit-il, n’est pas payé régulièrement, la pension et la bourse sont payées en dents de scie. J’ai trois enfants qui sont tous au lycée. A supposer que je doive acheter au moins deux complets pour chacun d’eux, plus les fournitures scolaires,  serai-je en mesure d’y parvenir ? Je ne suis qu’un pauvre instituteur avec un maigre salaire. Je pense qu’il faut que nos gouvernants réfléchissent bien sur l’enjeu de cette question. Même sous le règne de Bokassa où les choses allaient assez bien, cette histoire a suscité ce que nous connaissons tous. Combien de fois aujourd’hui ? Je réitère que les Centrafricains ne sont pas prêts. Il ne faut pas faire du suivisme ».

Madame Yangalo (41 ans), veuve et mère de cinq enfants, vendeuse de layette au marché du Km5, abonde dans le même sens : « Je suis veuve depuis 8 ans, et c’est ce petit commerce qui me permet de m’occuper de l’éducation de mes cinq orphelins. Mais ces derniers temps, les affaires ne marchent plus. Car nous autres commerçantes et cultivateurs, c’est quand les fonctionnaires sont payés qu’ils achètent nos produits. Quand ils ne sont pas payés, rien ne bouge. Alors, comment une veuve comme moi pourrait fournir à cinq enfants des tenues et en plus payer les redevances scolaires, quand on sait qu’un ensemble d’uniforme coûte 6.500Fcfa ? Je pense qu’il faut régulariser la situation socioéconomique du pays et la situation socioprofessionnelle des Centrafricains avant de leur proposer une telle pratique ».

Les différents points de vue ci-dessus mettent en exergue les réalités sociales du Centrafricain. Il est bien de susciter l’esprit d’égalité entre les élèves pour préserver la solidarité, gage de la paix et du développement de notre pays. Mais il est nécessaire que toutes les conditions soient réunies pour que dans un avenir proche, la question de l’uniforme devienne une réalité en Centrafrique.

Mardi 3 Octobre 2006
Jérémie Soupou/ACAP