Nezha 2 : un feu d'artifice mythique qui secoue le cinéma

Bangui, 05 Mai 2025 – (ACAP) - En tant que cinéphile bercé par les œuvres venues de Chine, des films mythiques des Shaw Brothers, aux films incontournables de Jackie Chan, en passant par les fresques poétiques de Zhang Yimou, ma passion pour le cinéma chinois n'a cessé de grandir.



Cette passion m'a même conduit en Chine, où je travaille aujourd'hui. J'ai eu la chance de voir Nezha 2 à Beijing, pendant l'effervescence du Nouvel An chinois, un moment unique qui a magnifiquement accentué l'ampleur de ce phénomène cinématographique.
 
Nezha 2 (2025), signé Jiaozi, n'est pas juste une suite : c'est un raz-de-marée. Avec plus de 2 milliards de dollars au box-office, il pulvérise Inside Out 2 pour devenir le film d'animation le plus rentable de l'histoire, et le premier non-hollywoodien à franchir ce cap. En France, où il débarque dans 140 salles, c'est une occasion rare de plonger dans un blockbuster qui redéfinit ce que peut être l'animation. Oubliez Pixar ou DreamWorks : Nezha 2 joue dans une autre cour, avec un panache renversant.
 
 
Affiche du film Nezha 2 à l'occasion de la barre des 10 milliards de recettes (en RMB) franchie le 13 février 2025
 
Le succès phénoménal du film s'explique aussi par une sortie stratégique pendant le Nouvel An chinois, période où les familles envahissent les salles. Résultat : 99 % des recettes viennent du marché chinois, où ces personnages mythologiques résonnent à travers les générations. Ce classique intemporel, sans cesse réinterprété, continue de toucher une corde universelle. Alors que l'attrait des films hollywoodiens s'essouffle sur le marché chinois, le cinéma national répond de mieux en mieux aux attentes de son propre public.
 
Cette dynamique de rivalité n'est pas nouvelle. Dans les années 1940, alors que Disney était à son apogée et que l'animation japonaise n'en était qu'à ses balbutiements, les frères Wan réalisaient La Princesse à l'éventail de fer (1941), premier long-métrage animé chinois, à la fois culturellement unique et techniquement ambitieux. Le film fit sensation en Asie, au point de rivaliser avec Blanche-Neige. Osamu Tezuka, futur père du manga moderne, fut, selon son entourage proche, tellement marqué par l'œuvre, qu'il abandonna la médecine pour se consacrer à l'animation. Plus tard, Le Roi des singes (1961-64) propulsa la figure de Sun Wukong, dont l'influence se ressent jusque dans Astro Boy, première série animée japonaise. Lors de sa visite en Chine, Tezuka immortalisa ce lien artistique en dessinant Astro Boy aux côtés de Sun Wukong.
 
Une légende sublimée par la technologie
 
Nezha 2 puise dans la mythologie chinoise, tirée du Fengshen Yanyi (L'Investiture des Dieux). Le gamin-démon au tempérament de feu, Ne Zha, et le prince dragon repenti, Ao Bing, se retrouvent piégés dans un même corps après une catastrophe divine. Pour espérer devenir immortels, ils doivent surmonter trois épreuves. Pas vu le premier film ? Pas grave : un récapitulatif limpide en début de métrage vous met dans le bain. Et pour les fans d'anime, dont les fondations plongent dans ces mêmes mythes, Nezha 2 agit comme un retour aux sources vibrant, aux racines des récits ayant inspiré Naruto ou Dragon Ball.
 
 
Dès les premières minutes, c'est un uppercut visuel : l'animation cloue au siège. Portée par 4 000 artistes, elle repousse les limites de l'imaginaire visuel. Les combats, à mi-chemin entre wuxia pian (le wuxia pian est un genre chinois mêlant arts martiaux, fantasy et poésie visuelle – pensez à Tigre et Dragon) et ballet cosmique, explosent de fluidité, surtout en IMAX ou 3D, où chaque coup de lance ou vague divine semble vous percuter en plein visage. Une scène où Ne Zha déchire une mer de nuages pour affronter un dragon géant ? C'est plus qu'un climax, c'est un moment de grâce visuelle qui surpasse même les meilleures scènes de Kung Fu Panda ou, osons-le, certains sommets d'Avengers.
 
Chaque plan est pensé comme une toile : montagnes brumeuses, palais célestes, cieux déchirés de foudre... on est dans une esthétique à mi-chemin entre peinture classique chinoise et art numérique de haute voltige. La bande-son, elle, mêle percussions viscérales et envolées mélodiques avec une précision chirurgicale. Elle porte autant les séquences d'action que les instants plus tendres.
 
Un cœur qui bat sous les flammes
 
Mais Nezha 2 ne se contente pas d'impressionner. Au cœur du récit, il y a une vraie âme. Ne Zha, entre sarcasme et insolence, incarne le combat pour être soi, envers et contre tout. Son amitié chaotique avec Ao Bing, faite de clashes, complicité et confiance, donne lieu à des échanges aussi drôles qu'émouvants. Ses liens avec sa mère, d'une tendresse déchirante, viennent ajouter une dimension universelle à cette odyssée.
 
L'écriture évite le prêchi-prêcha : Nezha 2 défend la tolérance, l'individualisme et l'acceptation des différences, avec une modernité qui résonne fort dans le monde d'aujourd'hui. Tout est fluide, même dans l'émotion. Les gags font mouche – Ne Zha arrache des rires même aux plus blasés – mais savent céder la place aux moments de silence, de contemplation, de vérité.
 
Le rythme est un tourbillon, mais jamais gratuit. Une pause devant une montagne sacrée, un regard, un silence : ces détails donnent au film une texture rare, un souffle qui élève le mythe au-delà du spectaculaire. Ce mélange entre grand spectacle et émotion sincère fait de Nezha 2 un film pour tous : une œuvre familiale à la fois mythologique et furieusement moderne.
 

 

Mardi 6 Mai 2025
Thierno Diallo, rédacteur CGTN
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