"Les Centrafricains ont négligé le secteur agricole", selon Honoré Féizouré, DG de l'ACDA

Au moment où la République Centrafricaine célèbre ses cinquante ans, il est nécessaire de jeter un regard objectif sur les cinq verbes de Barthélemy Boganda, père fondateur de cette République, à savoir, nourrir, vêtir, instruire, soigner et loger. Cinq verbes qui constituent la vision, ou encore la
philosophie politique du défunt Président Barthélemy Boganda.C’est justement ce premier verbe, nourrir, qui nous intéresse ici.



Nourrir qui signifie manger à sa fin, des aliments de qualité, ce qui passe nécessairement par le développement du monde agricole.

Or, « les Centrafricains ont négligé le secteur agricole », a déclaré jeudi 27 novembre 2008, le
Directeur général de l’Agence centrafricaine de développement agricole (ACDA), M. Honoré Féizouré au cours d’un entretien accordé à l’ACAP.

Selon M. Féizouré, l’agriculture centrafricaine a été toujours financée par des partenaires, notamment la Banque Mondiale et les divers bailleurs de fonds.

« Il y avait des financements, il y avait des projets et l’agriculture centrafricaine marchait, la production était en hausse », a-t-il souligné rappelant les périodes de gloire de l’agriculture centrafricaine.
Pour lui, l’éclosion de l’agriculture en Centrafrique, à un moment de son histoire, est le résultat de la volonté manifeste de tous les Centrafricains, ainsi que des leaders politiques, de lutter contre la pauvreté et contribuer au développement du pays.

Malheureusement, à cause de la mauvaise gestion, de la mal gouvernance, la quasi-totalité des financements a été arrêtée, les projets qui « donnaient de la vie au secteur agricole ont du coup disparu, d’où la chute de l’agriculture centrafricaine », a indiqué le DG de l’ACDA M. Féizouré.

« S’agissant de la filière cotonnière, en particulier, en 1995 et 1996, la production du coton était autour de 32.000 tonnes, en 1997 et 1998 la production a touché le pic de 48.000 tonnes qui était proche de la période 1970 et 1971 autour de 50.000 tonnes », a-t-il indiqué.

Pourtant, « entre 1997 et 1998, a-t-il déploré, les financements extérieurs se sont arrêtés, le gouvernement centrafricain a pris la relève, tout en négligeant le secteur agricole, les productions sont en baisse, et on le ressent dans toutes les familles dans toutes les régions ».

Outre la suspension de la subvention étrangère, les causes du déclin de l’agriculture en général et du coton en particulier se justifie, à partir de 2001 par les multiples événements et foyers de tension à l’intérieur du pays. Les problèmes de sécurité sont au cœur de cette chute.

Depuis lors, « on se relève très difficilement, on a réussi à passer en 2004 et 2005 à une production de 4.000 tonnes. Cette année, on est en train de collecter du coton, on a atteint 5.000 tonnes », a indiqué M. Féizouré, précisant toutefois que les conditions ne sont pas encore réunies pour rehausser de manière considérable la production du coton centrafricain.

En effet, avec la chute de la production du coton en République Centrafricaine, la population du pays, dont les 85% vivent de l’agriculture, s’est vue s’appauvrir davantage. D’une part parce que les productions des paysans ne sont pas payées, d’autre part parce que avec la culture du coton qui est une culture de rente, les produits vivrier tels que le manioc, les arachides, le maïs et autres, bénéficient des effets secondaires des intrants et engrais. Ce qui permettait à la population de se nourrir convenablement, comme le projetait le Président Barthélemy Boganda.

Mais, ces dernières années, avec le paiement des dettes de coton des paysans par le Président de la République Centrafricaine, François Bozizé, le monde agropastorale centrafricain commence à renaître. Toutefois, « les 5.000 tonnes qu’on est en train de produire, c’est une situation conjoncturelle et compliquée par le contexte international où le prix du coton est tombé à un prix qu’on a jamais connu », a fait remarquer le DG de l’ACDA..

Au moment où le monde entier est confronté une crise alimentaire caractérisé par la flambée des prix des produits alimentaires et de première nécessité, et les défis du changement climatique et la crise financière internationale, l’on pourrait s’interroger sur le sort du peuple centrafricain, si rien n’est fait, de manière urgente, pour relever le plus rapidement possible le secteur agricole en Centrafrique et garantir à la population l’autosuffisance alimentaire.

« En Centrafrique, on a suffisamment de la terre agricole, on a la pluviométrie qui est très bonne et on a des hommes ; maintenant, c’est un problème de moyen. Il faut des outils de production tels que, la culture attelée avec toutes les chaînes qui sont derrière les charrues, les conducteurs et les charrettes pour le transports des produits », a déclaré M. Féizouré.

Il a expliqué que le ministère du Développement Rural, par le biais de l’agence centrafricaine de développement agricole, a mis en place un dispositif dans toutes les régions du pays, qui consiste à mettre à la disposition des paysans, des techniciens bien formés pour les encadrer et les accompagner par des conseils techniques agricoles.

« Je vous assure qu’on va faire un boum, et on peut même nourrir les pays qui sont autour de la Centrafrique », a-t-il indiqué, ajoutant qu’ « une batterie de réforme » du monde rural qui est en cours faite au niveau du département du Développement Rural. Des réformes basées sur les recommandations des Etats Généraux du développement rural.

Par ailleurs, dans le souci de la relance de l’agriculture, le département en charge du développement rural mène des démarches pour la validation du projet de loi relatif aux organisations paysannes, l’organisation professionnelle des agriculteur, mais surtout la reconstruction des « pistes rurales », pour faciliter écoulement des produits vers les petits villages.

« Je pense si tous ces projets et réformes réussissent, on peut repartir sur une base solide très durable », a estimé M. Féizouré.

Le Président fondateur de la République Centrafricaine, Barthélemy Boganda, a laissé une grande ligne politique qu’il suffit pour les leaders politiques de suivre et de mettre en application pour faire développer le pays et répondre aux attentes de la population. Malheureusement, à presque 50 ans de sa disparition, la République Centrafricaine ne fait que régresser.

Comme il disait, « parlons peu mais travaillons beaucoup ». Si le peuple centrafricain se met au travail, au travail de la terre surtout, il est clair qu’avec tout le potentiel qu’il a, il est possible d’assurer son autosuffisance alimentaire d’ici 2015.

Dimanche 30 Novembre 2008
Biongo/ACAP