Laurent Gomina-Pampali, longtemps parlementaire et aujourd’hui candidat déclaré à la prochaine présidentielle

Il s’appelle Laurent Gomina-Pampali. Il est marié et père de quatre enfants. Il est Maître-assistant de philosophie à la retraite, écrivain, essayiste politique, ancien ministre, ancien député, ancien président du Parlement intérimaire de la CEMAC et membre du Conseil National de Transition. A 65 ans, l’homme ne tarit d’ambitions. Il sera candidat à la prochaine présidentielle. Il l’a déclaré ! Il a accepté de se prêter aux questions de la rédaction de l’Agence Centrafrique Presse (ACAP).



Laurent Gomina-Pampali, longtemps parlementaire et aujourd’hui candidat  déclaré à la prochaine présidentielle
M. Laurent Gomina-Pampali, bonjour ! Vous avez une longue expérience parlementaire. Comment avez-vous commencé ?
Bonjour mes chers compatriotes.
En 1993, je me suis présenté aux élections législatives à Nola II en ma qualité de Secrétaire général du Rassemblement Démocratique Centrafricain (RDC) du Général André Kolingba. Le peuple m’a fait confiance. Par la suite mon mandat a plusieurs fois été renouvelé.
Avez-vous un secret pour que le peuple vous fasse confiance à toutes les élections ?
Le secret en tant que tel n’existe pas. Je considère ma personnalité d’abord. Ensuite, je suis proche du peuple en dépit de mes acquis intellectuels.
Au-delà de ces deux aspects, lorsque j’étais Ministre des Affaires étrangères en 1990-91, j’ai drainé dans la région de Nola la Société Société d’Exploitation de la Sangha Mbaéré (SESAM), une société forestière. Cette société a offert de nombreux emplois à la population, surtout aux jeunes.
Personnellement, j’ai fait construire dans ma circonscription une maternité, équipée de lits métalliques et de matelas, ainsi qu’un établissement scolaire. En retour, la population a été reconnaissante à mon endroit. Raison pour laquelle, elle a reconduit quatre fois mon mandat de député, en 1993, en 1998, en 2005 et en 2011.
Vous avez été parlementaire au-delà des frontières nationales !
Si. Lorsque j’étais ministre des Affaires étrangères, en 1991, j’ai contribué à la naissance du parlement panafricain. A Abuja au Nigeria, j’ai paraphé, au nom du Président André Kolingba, la Convention créant le parlement panafricain. En 2003, pendant la transition, mes collègues conseillers nationaux n’ont pas trouvé d’inconvénient pour m’envoyer siéger au sein de ce parlement.
Au niveau de la CEMAC, mes pairs m’ont, une fois de plus, choisi en ma qualité de pionnier, avec quatre autres collègues, pour représenter la République Centrafricaine. C’est ainsi que j’y suis resté, en 2005, en 2011 et actuellement, parce que j’ai été copté au Conseil National de Transition de 2013.
De quelle manière avez- vous capitalisé votre passage au parlement panafricain et dans la sous-région ?
Je me suis frotté avec d’éminentes compétences au sein de ces institutions, dont certaines sont d’anciens Premier ministres. L’actuel Chef de l’Etat du Mali était entre-temps député au parlement panafricain. Comprenez alors qu’il s’agit souvent de personnalités qui ont une formation intellectuelle pertinente et une expérience politique établie. Les autres pays ne s’amusent sur ces questions de représentativité.
Durant les débats au sein de ces instances, je me suis aperçu qu’il existe des Africains qui aiment l’Afrique, pas seulement leur pays. Je fais ici allusion aux anglophones. Eux aiment leur continent, ils aiment sincèrement l’Afrique. Et cette attitude m’a ragaillardi puisque je viens du pays de Barthélemy Boganda, l’un des adeptes du panafricanisme.
Quelles ont été vos contributions au sein de ces institutions ?
Au parlement panafricain, nous étions des observateurs du fait que notre pays était sous sanction, à cause de la prise du pouvoir par la force. Par contre, au parlement de la CEMAC, mes pairs m’ont élu président ce cette institution de 2008 à 2010.
Mes pairs tels que Ningata et Papéniah, ainsi que moi-même, nous faisions partie des pionniers qui ont rédigé les textes de base du parlement de la CEMAC. Et là, nous avons réalisé le rêve de Barthélemy Boganda qui percevait une Afrique centrale sans frontière. Le jour où j’ai été élu Président du parlement de la CEMAC, conformément au principe de la rotation, j’ai versé des larmes. Je me suis immédiatement souvenu de Barthélemy Boganda lorsqu’il présidait les travaux du Grand conseil de l’Afrique Equatoriale Française (AEF) à Brazzaville entre 1957-58. J’ai fait le lien entre lui et moi.
Récemment,  j’ai encore présidé la séance consacrée à l’élection de l’actuel président du parlement sous-régional, en ma qualité de doyen d’âge.
Vous avez démissionné du Rassemblement Démocratique Centrafricain (RDC) d’André Kolingba ?
Oui ! J’ai démissionné du Rassemblement Démocratique Centrafricain en 1994 à cause des contradictions profondes au sein du directoire. Mon programme de travail et ma ligne politique élaborés en tant que Secrétaire général du parti n’étaient pas suivis. J’ai donc été obligé de rendre mon tablier.
Je n’ai jamais eu de problème particulier avec le Président fondateur du Rassemblement Démocratique Centrafricain, le Général André Kolingba, jusqu’à ce que Dieu le rappelle à lui. Paix à son âme.
En démissionnant du RDC, immédiatement, je me suis inscrit dans le groupe des députés indépendants à l’Assemblée nationale. Justement parce que j’étais partisan d’une opposition constructive et non une opposition agressive voire violente. Si l’opposition exprime une idée qui défend l’intérêt national, je m’aligne. Si la majorité politique pose un acte louable, j’apprécie cela à sa juste valeur. Autrement dit, je n’ai jamais été partisan d’une opposition radicale.
Et vous avez fondé l’UNADER ?
Non, j’ai d’abord fondé le Groupe d’Action pour la Défense de la Démocratie Républicaine, en abrégé GRADDER. Cela a impressionné l’ancien Président Ange Félix Patassé, paix à son âme, qui m’a nommé Ministre des Droits de l’Homme, de la Promotion de la Culture démocratique et de la Réconciliation nationale dans le gouvernement d’action pour la défense de la démocratie. Ce n’est que plus tard, en 2003, que j’ai transformé le GRADDER en Union Nationale des Démocraties Républicains (UNADER) qui est un parti politique.
Qu’est- ce que vous avez retenu de positif au RDC ?
L’idéologie de paix et de fraternité. Cela est indispensable pour notre pays à la suite des turpitudes que le pays a connues.
Quelles lectures faites-vous du processus actuel de la transition ?
En ma qualité de fils du pays et de leader politique, je considère que notre transition est passée par plusieurs étapes, de la grande violence au vide de pouvoir. Les Centrafricains, sur le plan politique, ont été placés dans une position d’impuissance.
Barthélemy Boganda évoquait trois paramètres fondamentaux pour rendre un pouvoir solide. La première était la science du commandement, le second est le pouvoir financier, lié à l’argent, et le troisième est l’armée, dotée de sa logistique. Or, notre armée a été disloquée et des forces négatives s’opposent à sa réhabilitation. Moi et bien d’autres collègues parlementaires, nous nous employons à dénoncer cela tout le temps à la tribune du Conseil National de Transition.
Je conclus que la Présidente de la Transition, Catherine Samba Panza, a les mains presque liées. Les agendas sont multiples sur la République Centrafricaine. Nous sommes donc dans une transition alourdie par plusieurs paramètres.
Devant ces agendas multiples, il nous revient, à nous, hommes politiques centrafricains, de faire un front citoyen en vue de faire entendre une seule voix, au lieu que chacun joue sa partition, sous le prétexte d’être à la tête d’un « grand » parti politique ou une « grande » plateforme.
Parlons de vos récentes publications !
Je viens de diffuser deux brochures. Le premier s’intitule « Petit catéchisme pour le dialogue politique et la réconciliation nationale en Centrafrique », et le second porte sur « La politique et la violence dans le monde moderne ».
Le premier a été élaboré en marge du Forum national de Bangui. Je suis de ceux qui pensent que le conflit centrafricain n’est pas religieux. Pour preuve, les grands leaders religieux nous donnent chaque jour le bel exemple, en restant toujours ensemble. Ils rejettent unanimement la thèse de la guerre religieuse en Centrafrique. Ils ont été récompensés aux Etats-Unis pour la cause qu’ils ont régulièrement défendue.
Pour moi, la crise centrafricaine a ses fondements dans la politique et dans l’économie.
Dans la politique, parce que des ressortissants des régions de la République Centrafricaine se sont disputés le pouvoir, d’où une guerre entachée de violence.
Dans l’économique parce que des camps se sont constitués pour avoir le contrôle des ressources du sous-sol tels que le diamant, l’or et le pétrole.
Devant ces réalités, où les Centrafricains se massacrent mutuellement, je ne pouvais pas me taire continuellement.
Le second ouvrage résulte d’une étude que j’ai présentée à un Colloque international à Paris en France en 2012. Il porte sur « La politique et la violence dans le monde moderne ».
Je suis parti de l’idée selon laquelle quiconque se lance en politique pour dominer agit nécessairement sur le levier de la violence. Il est obligé d’user de la violence, en formant les rébellions et en recrutant les mercenaires.
Inversement, quiconque a la vocation de servir le peuple passe par la voie démocratique. Une fois élu, il laisse chaque institution jouer son rôle prévu par la loi. Toutefois, je fais remarquer que la violence est toujours là, en train de guetter l’action politique.
Pour prévenir le recours à la violence en politique il faut acquérir une certaine connaissance éthique, qui puisse conduire les politiques à aimer et à appliquer le principe de justice en toutes circonstances. Aristote, Philosophe grec du 4° siècle av. JC, reconnaissait que la Justice est la vertu cardinale, c'est-à-dire le principe le plus important en politique.
Nous nous acheminons vers la fin de la transition, qui sera caractérisé par les élections. Vous avez des ambitions ?
Tout à fait. Je vais tenter de reconquérir mon mandat de député, pour la 5ème fois, dans la circonscription de Nola II. J’éprouve également la forte intention d’être candidat à la prochaine présidentielle. Je veux mettre à la disposition de mes compatriotes mon  expérience de vingt-huit ans de carrière politique les mains propres.
M. Pampali, merci pour votre disponibilité. 

Lundi 6 Juillet 2015